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Opinion. Un film à découvir : Lettre de Masanjia

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Lettre de Masanjia. (Image : Capture d’écran / YouTube)
 

Quelques traits de stylo à l’encre noire tracés sur une feuille de papier blanc – c’est le départ d’une histoire fascinante à propos de Sun Yi, un dissident chinois. Face au grand écran du Cinéma Nova à Carlton, Victoria, Australie, la salle est pleine et nous sommes tous impatients de découvrir la suite. Présenté sous forme de documentaire, ce film nous fait sortir de notre zone de confort et nous transporte aux côtés de Sun Yi, alors qu’il révèle les violations des droits de l’homme en Chine.

Le réalisateur de ce documentaire Lettre de Masanjia, est Leon Lee. En 2018, ce documentaire a reçu de nombreux prix : Festival international du film de Calgary, Grand prix du jury de Doqumenta, Atlanta Docfest, Tallgrass Film Festival, Top Twenty Audience Favourite Hotdocs, 41e Festival international du film asiatique américain, gagnant du Docsmx, gagnant de Chagrin Falls, gagnant du Festival du film de Portland, et prix du public au Newbury Point Documentary Film Festival.

Voici la bande-annonce de Lettre de Masanjia :

Le documentaire débute dans une famille de l’Oregon, alors que les enfants se souviennent du jour où leur mère, Julie Keith, a trouvé une lettre SOS cachée dans une décoration d’Halloween. La lettre expose le traitement cruel infligé aux personnes détenues dans un camp de travail chinois du nom de Masanjia. La lettre SOS fait état des violations des droits de l’homme au camp de travail et demande à la personne qui trouvera la lettre de la remettre à une organisation gouvernementale appropriée. Julie n’a pas été en mesure de le faire, mais elle a trouvé un autre moyen d’aider à faire passer le message.

Masanjia était un camp de rééducation par le travail situé dans la région de Yuhong, dans la province de Liaoning, en Chine. Le camp a ouvert le 9 mars 1956 en tant que prison et a été utilisé pour la rééducation – il était aussi connu sous le nom d’« École d’enseignement de l’idéologie de la province du Liaoning ».

Deux ans ont passé et Sun Yi a été libéré du camp de travail. En franchissant le pare-feu Internet en Chine, Sun Yi a lu les nouvelles de l’Occident selon lesquelles sa lettre SOS avait été trouvée dans une décoration d’Halloween et publiée dans un journal. Ce rapport a circulé dans le monde entier et a révélé les conditions de travail forcé en Chine.

Sun Yi a pensé qu’il était temps de révéler au monde, sous forme de film, ce qui s’était passé au camp de travail de Masanjia. Il s’est connecté via Skype avec le réalisateur Leon Lee. Leon était réputé en Chine pour son travail en faveur des droits de l’homme et n’aurait pas été autorisé à filmer en Chine. Ainsi, Sun Yi a dû apprendre les techniques pour réaliser le tournage. Nous voyons Sun Yi marcher dans les rues en Chine alors qu’il achète du matériel pour faire son film.
 

Le documentaire débute dans une famille de l’ Oregon, alors que les enfants se souviennent du jour où leur mère, Julie Keith, a trouvé une lettre SOS cachée dans une décoration d'Halloween. (Image: YouTube/Screenshot)
Le documentaire débute dans une famille de l’Oregon, alors que les enfants se souviennent du jour où leur mère, Julie Keith, a trouvé une lettre SOS cachée dans une décoration d’Halloween. (Image : Capture d’écran / YouTube)

Le Falun Gong a été interdit en Chine parce que sa trop grande popularité dérangeait, on estime que 100 millions de personnes le pratiquaient avant son interdiction en 1999. Le Président de l’époque, Jiang Zemin, a ordonné la création d’une nouvelle agence de sécurité, le Bureau 610, dans l’intention d’éradiquer le Falun Gong. Après 1999, la vie a été rendue extrêmement difficile pour les personnes qui pratiquaient le Falun Gong en Chine.

Sun Yi a commencé à pratiquer le Falun Gong avant 1999, après avoir vu un groupe de personnes pratiquer les exercices doux, de type qigong, paisiblement dans la neige. Il a tout de suite pensé que cette méthode devait être bonne, comme elle leur permettait de pratiquer dehors par des températures aussi froides. La femme de Sun Yi nous confie qu’elle a remarqué une grande amélioration chez son époux après qu’il ait pratiqué le Falun Gong – il a cessé de fumer et son caractère s’est amélioré. Le couple pensait qu’ils passeraient le restant de leur vie ensemble. Son épouse n’aurait jamais imaginé qu’ils seraient séparés à cause de sa croyance.

Dès son plus jeune âge, Sun Yi s’est intéressé aux illustrations des contes traditionnels chinois et pour améliorer ses compétences dans cet art, il s’exerçait à dessiner dans les marges du livre. Pour nous faire partager son expérience au camp de travail de Masanjia, il dessine à l’encre noire, restituant ses souvenirs avec de bouleversantes images.

Au moyen d’un stylo et de papier, il fait revivre le camp, et nous parle tout en dessinant. Nous pouvons ressentir sa peur et ce qu’il a enduré depuis son arrivée au camp de travail de Masanjia, alors qu’il était confronté aux conditions inhumaines du travail forcé  pour réaliser les décorations d’Halloween. Une lettre reçue de sa femme lui a rendu l’espoir, et c’est ainsi qu’est née l’idée d’écrire des lettres SOS. Vingt lettres ont été écrites et d'autres prisonniers dans le camp l’ont aidé jusqu’à ce qu’ils se fassent prendre. La vraie nature du camp de travail a alors été révélée, exposant les méthodes de torture utilisées pour briser la volonté des détenus. Sun Yi reproduit à l’aide des images tirées de ses souvenirs, le cauchemar des tortures les plus insupportables qu’il a endurées.
 

Vingt lettres ont été rédigées et d'autres personnes du camp l'ont aidé jusqu'à ce qu'elles soient prises en flagrant délit et que la véritable nature du camp de travail soit révélée ainsi que les méthodes de torture utilisées pour briser la volonté des détenus. (Image: YouTube/Screenshot)
Vingt lettres ont été rédigées et d’autres personnes du camp l’ont aidé jusqu’à ce qu’elles soient prises en flagrant délit et que la véritable nature du camp de travail soit révélée ainsi que les méthodes de torture utilisées pour briser la volonté des détenus. (Image : Capture d’écran / YouTube)

Des images filmées en direct du camp de travail de Masanjia nous sont montrées, il y est fait mention de son avocat, Jiang Tianyong, un avocat des droits de l’homme qui a fait l’objet d’une arrestation pour avoir plaidé la cause de Sun Yi, illégalement emprisonné. C’est comme si vous vous trouviez là, aux côtés de Sun Yi, lorsque sa femme l’exhorte à ne pas rentrer chez lui alors que la police est en train de saccager leur maison et le recherche. Sun Yi décide de ne pas rentrer chez lui, mais il sera finalement arrêté par la police. Sa femme est sommée de le récupérer à l’hôpital où il se trouve dans un état critique. Après cet incident, il s’enfuit à Jakarta. Il prend la décision de quitter sa femme et de vivre seul pour assurer la sécurité de sa famille.

Dans l’Oregon, la mère de famille qui a trouvé le message s’est souvent inquiétée pour l’auteur de cette lettre et s’est souvent demandé si sa publication n’avait en fait pas causé plus de mal que de bien. Julie décide alors d’entreprendre le voyage, loin de sa famille en Oregon, pour rencontrer Sun Yi en Chine. Elle lui apporte un cadeau de sa ville natale et reçoit elle-même un bouquet de fleurs.

Tout au long du documentaire, d’autres personnes qui ont connu Sun Yi nous livrent leurs commentaires et leurs points de vue, révélant sa force intérieure et sa bonne nature. Malheureusement, Sun Yi est finalement décédé, on a découvert qu’il souffrait d’une insuffisance rénale. La demande d’enquête de la famille a été refusée. À la fin du documentaire, Sun Yi nous délivre un message d’espoir.

« Ce film vous place aux premières loges face à la tourmente des opprimés. Sun Yi est un homme qui a su faire preuve de résilience et de courage pour défendre ce en quoi il croit vraiment. Pour ceux qui ne savent pas ou nont jamais expérimenté à quel point le parcours d’une simple personne peut être bouleversant à l’extrême, vous devriez regarder cela ».
 

Sun Yi est un homme qui a su faire preuve de résilience et de courage pour défendre ce en quoi il croit vraiment. (Image: YouTube / Capture d'écran)
Sun Yi est un homme qui a su faire preuve de résilience et de courage pour défendre ce en quoi il croit vraiment. (Image : Capture d’écran / YouTube)

Commentaires de Kerrie Dobrynski sur Letter From Masanjia au Cinema Nova à Carlton, Victoria, Australie.

« Cet homme qui a souffert au-delà des mots est une lumière pour tous, pouvoir avancer et aider les autres comme il l’a fait, nous montre qu’il se conformait à de grands principes dans sa vie qui l’amenaient à penser aux autres en premier et à leur apporter son aide. Il ressentait beaucoup de gratitude envers la femme qui a publié sa lettre en Amérique, et c’est avec son grand cœur, quand ils se sont finalement rencontrés dans un pays étranger, qu’il lui a offert un bouquet de fleurs. Ce qui m’a ému, car cet homme souffrait financièrement, mais il a quand même réussi à faire ce geste généreux pour cette femme qui, par compassion, a fait connaître son histoire au monde. Lettre de Masanjia exhorte les peuples du monde à avancer, à sunir pour notre liberté. »

Commentaires de Janine Rankin sur la Lettre de Masanjia au Cinema Nova à Carlton, Victoria, Australie.

« Ce documentaire sur Sun Yi ma donné un excellent aperçu des camps de travail en Chine grâce au témoignage exprimé dans ses dessins. Il a trouvé l’inspiration et l’espoir au travers d’une lettre de sa femme et a réussi à exposer les crimes dans le camp de travail de Masanjia. Sun Yi nous montre comment une personne peut aider à en libérer d'autres, car grâce à la projection de ce film, de nombreuses personnes ont été libérées du camp de travail de Masanjia. Cest un film à conserver précieusement. Il est possible de voir Lettre de Masanjia en ligne ou de se renseigner pour connaître la prochaine projection dans votre région ».

 

Traduit par Swanne Vi

Version en anglais : Movie Review: ‘Letter From Masanjia’
 

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