La légende de Nian
À l’occasion de la fête du réveillon et du nouvel an, les Chinois ont pour coutume d’allumer des pétards, de coller des couplets antithétiques du nouvel an (cht :春聯,ㄔㄨㄣ ㄌㄧㄢˊ;chs :春联 , chūn lián), ou un papier rouge portant le caractère auspicieux « Bonheur » (cht :福,ㄈㄨˊ;chs :福,fú), sur leurs portes. Cette fête s’appelle aussi Guo Nian (cht:過年,ㄍㄨㄛˋ ㄋㄧㄢˊ ; chs: 过年,guò nián), c’est-à-dire « chasser le monstre Nian »). Mais d’où provient cette tradition ?
La légende raconte que, dans la Chine antique, un monstre féroce à deux cornes, moitié lion, moitié taureau, vivait au fond de la mer. Il mettait pied à terre la veille du réveillon. Son nom était Nian (cht: 年,ㄋㄧㄢˊ;chs :年, nián). Nian piétinait les champs et dévorait le bétail et les hommes. A chaque réveillon, les villageois se réfugiaient en famille dans les montagnes profondes afin d’éviter d’être blessés par Nian.
Une veille de nouvel an, un mendiant âgé arriva dans un village alors que tout le monde se précipitait pour fuir. Ce mendiant avait une barbe blanche, une canne à la main et un sac à l’épaule. Comme les villageois étaient tous en fuite, personne n’accorda d’attention à ce vieillard sauf une vieille dame habitant à l’Est du village. Elle lui offrit un peu de nourriture et lui conseilla d’aller dans les montagnes rapidement pour fuir Nian. Le vieillard lui répondit en souriant et en touchant sa barbe « Madame, si vous me permettez de rester une nuit chez vous, je chasserai le monstre Nian. » Surprise, la dame l’observa de plus près et découvrit que le vieillard avait les cheveux tout blancs mais un visage très jeune et rayonnant et qu’il avait un air divin. Mais elle continua à le convaincre. Le mendiant lui sourit sans dire un mot. La dame ne put que le laisser chez elle avant de courir vers les montagnes.
A minuit, Nian fit irruption dans le village et constata quelques changements : chez la dame à l’Est du village, du papier rouge était collé sur les portes, et la maison était éclairée comme en plein jour. Nian se jeta sur la maison de la vieille dame, en poussant un cri sauvage. lorsqu’il fut près de la porte, il entendit des bruits d’éclatement en provenance de la cour. Tremblant de peur Nian n’osa plus avancer. En fait, Nian a très peur de la couleur rouge, du feu et des détonations. Soudain, la porte s’ouvrit et apparut un vieillard vêtu de rouge et riant aux éclats. Effrayé, Nian se sauva à toutes jambes.
Le réveillon, par YAO Wenhan, Dynastie Qing. (Image : Musée national du Palais, Taipei / @CC BY 4.0)
Le lendemain était le premier jour du premier mois lunaire. Rentrés de la montagne, les villageois furent surpris de voir leur village intact. La vieille dame comprit ce qui s’était passé et parla aux villageois de la promesse du vieux mendiant. Tout le monde se précipita chez elle, vit du papier rouge collé sur sa porte et du bambou brûlé qui, en continuant d’éclater, émettait des bruits de détonations. Dans la chambre de la dame, quelques bougies étaient encore allumées, éclairant la pièce d’une vive lumière rouge... Fous de joie, les villageois décidèrent de célébrer ce moment de bonheur. Ils revêtirent des habits neufs et se rendirent chez leurs parents et amis pour leur souhaiter une bonne année. La nouvelle se répandit très vite dans les villages voisins. Les gens apprirent ainsi comment chasser le monstre Nian, d’où le terme « Guo Nian ».
En réalité, le monstre Nian n’existe que dans les légendes, on ne le trouve pas dans les archives anciennes. Cependant, le livre Shanhaijing (cht :山海經, ㄕㄢ ㄏㄞˇ ㄐㄧㄥ; chs : 山海经, shān hǎi jīng. Livre des monts et des mers ou Classique des montagnes et des mers), fait référence à un être du nom de Shanxiao. Selon la légende, Shanxiao était un monstre des montagnes, doté d’un corps de singe et d’un visage humain, qui n’avait qu’un seul pied. Il parlait comme un humain et se métamorphosait à sa guise. Ses nourritures préférées étaient les crevettes et les crabes. Sous les dynasties du Nord et du Sud (420–589) en Chine, le poète SONG Lin a écrit dans un de ses poèmes : « Se lever au chant du coq, allumer des pétards dans la cour pour chasser Shaoxiao et les mauvais esprits. »
Que ce soit celles de Nian ou Shanxiao, ces légendes nourrissent l’attention que les Chinois accordent au nouvel an chinois et sont transmises de génération en génération. Au réveillon, les familles décorent les portes avec des couplets antithétiques écrits sur du papier rouge, brûlent des pétards et allument des bougies en attendant l’arrivée du nouvel an. Le lendemain matin, les Chinois se rendent chez leurs parents et amis pour leur souhaiter une bonne année. Petit à petit, ces traditions se sont répandues en Chine et le jour pour chasser Nian est devenu pour les Chinois la fête la plus importante.
Traduit par Caroline Daix
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