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Tradition. Guerres de l’opium, une histoire de vertu et de richesse (2/2)

CHINE ANCIENNE > Tradition

Pendant les guerres de l’opium, les dirigeants chinois qui régissaient les affaires civiles et militaires ont eu de nombreuses occasions d’accumuler de grandes richesses pour leurs familles. (Image : wikimedia / CC0 1.0)
 

Sous le règne de l’empereur Daoguang (道光), de 1820 à 1850, de la dynastie Qing (清朝), les hommes d’affaires étrangers avaient introduit des quantités massives d’opium en Chine, ce qui avait conduit la population à adopter des mœurs sociales dissolues et à ruiner sa santé. Dans la dix-huitième année de règne de l’empereur Daoguang (1838), la cour impériale nomma Lin Zexu (林则徐) en tant que ministre impérial et l’envoya à Guangzhou pour proscrire l’opium.

À cette époque, la corruption régnait parmi les fonctionnaires. Si Lin Zexu avait voulu faire fortune, il aurait été facile pour sa famille de vivre dans une extrême richesse. Cependant, l’état du pays et la vie des gens préoccupaient beaucoup Lin Zexu. Sachant que l’opium provoquait un dommage considérable dans la population, Lin Zexu a rejeté les pots-de-vin des marchands et a détruit près de 20 000 caisses d’opium, à Humen.

L’année suivante, l’armée britannique a menacé la cour des Qing. Pour tenter de se concilier les grâces de l’empire britannique, le cour impérial a démis Lin Zexu de ses fonctions et l’a envoyé en exil. Lin Zexu a souffert pendant cinq ans en exil.

 

Lin Zexu surveillant la destruction de l’opium. (Image : wikimedia / CC0 1.0)
Lin Zexu surveillant la destruction de l’opium. (Image : wikimedia / CC0 1.0)
 

Qu’avait fait exactement Lin Zexu pour mériter son exil ? Il avait refusé d’accepter des pots-de-vin et avait strictement interdit l’opium. Avant de partir en exil, il a écrit un poème, disant « Tant que c’est bon pour le pays, je suis prêt à sacrifier ma vie, et quelles que soient les conséquences, je saurais y faire face. »

À ce sujet, Nie Yuntai, le petit-fils de Zeng Guofan et président de la Chambre de commerce de Shanghai sous la République de Chine, a écrit dans son livre Comment préserver la richesse (保富法) qu’après la mort de Lin Zexu, même si la famille Lin Zexu n’avait pas d’économies, elle est restée fortunée et n’a pas connu de déclin. Beaucoup de ses descendants ont réussi leurs études, et certains ont passé les examens impériaux aux niveaux provincial et national. À l’époque de la République de Chine, la famille de Lin Zexu était encore composée de nombreux intellectuels. Lin Zexu avait refusé de faire fortune, mais ses descendants sont devenus prospères et nobles.

Une fortune faite dans un pays en difficulté est rapidement perdue

Nie Yuntai a également noté qu’il y avait trois riches hommes d’affaires à Guangdong qui étaient les chefs de la famille Wu, de la famille Pan et de la famille Kong. Ils ont profité des guerres de l’opium pour s’enrichir et ont gagné énormément d’argent. La richesse des trois familles était presque aussi importante que celle de l’ensemble du pays. Ils menaient une vie luxueuse : s’habillant de vêtements raffinés, conduisant des voitures de luxe et se délectant de mets succulents.

Les familles Wu, Pan et Kong collectionnaient les plus célèbres calligraphies et peintures anciennes. Des décennies plus tard, aucun des descendants de ces trois familles n’avait de talent et ils avaient tous perdu leur richesse.

 

Les familles Wu, Pan et Kong collectionnaient les plus célèbres calligraphies et peintures anciennes. (Image : wikimedia / CC0 1.0)
Les familles Wu, Pan et Kong collectionnaient les plus célèbres calligraphies et peintures anciennes. (Image : wikimedia / CC0 1.0)
 

Il existe un dicton dans le Grand Apprentissage, un chapitre du Livre des Rites : « Une personne qui a obtenu de l’argent par des moyens qui violent la morale et la justice, et par des moyens inappropriés, le perdra également de la même manière ».

Comparés à Lin Zexu, les trois riches hommes d’affaires de Guangdong devaient paraître plus intelligents et capables à l’époque, puisqu’ils avaient fait fortune. En comparaison, Lin Zexu semblait « stupide ». Lorsqu’on lui offrait de l’argent, comme pot-de-vin, il ne l’acceptait pas, même s’il en avait l’occasion. Il a préféré être renvoyé de son travail et exilé, pour préserver sa vertu. Au fil du temps, lorsque que l’on a regardé le devenir de ces familles, leurs descendants avaient subi d’énormes changements et n’avaient pas pu conserver la fortune familiale.

À la même époque, un riche homme d’affaires de Shanghai, Monsieur Chen, était connu comme étant le roi de l’investissement foncier. La richesse de la famille Chen s’élevait à 150 mille kilos d’argent, et ses deux fils en avaient reçu 75 mille chacun. En 1925, Nie Yuntai a rendu visite à la famille Chen et a constaté que la maison de la famille Chen était luxueuse. Les quatre murs de la chambre d’amis étaient tous équipés d’étagères en verre, exposant d’anciens trépieds en bronze et des antiquités de plus de 3000 ans.

En fait, près de la moitié des bronzes célèbres en Chine se trouvaient dans la maison de la famille Chen. Il était difficile de concevoir un tel degré de luxe. Pourtant, sept ans plus tard, le prix du terrain à Shanghai a soudainement chuté, et la famille Chen a fait faillite en raison de ses investissements. La quasi-totalité des biens de cette famille, y compris les trésors antiques, les propriétés et les terres, a été confisquée et vendue par la banque.

Il est ainsi possible de dire que faire le bien et accumuler la vertu est le plan le plus fiable pour laisser des fortunes aux générations futures. En comparant les changements ultérieurs des familles de Lin Zexu et de Chen, au regard de leur mentalité, il est possible de constater que le fait d’accumuler délibérément de l’argent pour le transmettre aux générations futures serait voué à l’échec.

Traduit par Swanne Vi

Version en anglais : During the Opium Wars, a Story of Virtue and Wealth (Part 2)

Traduit du chinois par Joseph Wu 

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