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Tradition. Chine ancienne : Les sept sages de la forêt de bambous

CHINE ANCIENNE > Tradition

Portraits de Ruan Ji et Ji Kang. (Image : wikimedia / CC0 1.0)
 
 
Au cours du IIIème siècle de notre ère, vivait un groupe de sept hommes en Chine, les sept sages de la forêt de bambous. Ils étaient philosophes, écrivains, musiciens, érudits, et s’étaient détachés de la vie de la cour. Ils se retrouvaient dans une forêt de bambous près de la maison de leur chef, Ji Kang, pour partager et apprécier leur sagesse et le fruit du travail de chacun.
 
 
Je fuirai la sagesse et la connaissance
Mes pensées erreront dans le Grand Vide
Toujours à me repentir de mes fautes
Jamais mon cœur ne trouvera le repos
Je lancerai mon filet dans un petit ruisseau 
Telle est ma joie, j’ai l’impression d’être un roi
Je perds mes cheveux et vais chanter
Aux quatre coins du monde, les hommes chantent avec moi
C’est l’objet de ma chanson : « Mes pensées vont errer dans le Grand Vide »
–Ji Kang
 
Les Sept Sages affectionnaient tout particulièrement l’alcool et étaient très attachés à leurs libertés individuelles. Certains d’entre eux ont critiqué la justice et le gouvernement, s’attirant ainsi des ennuis avec la classe dirigeante.
 
 
Les sept sages de la forêt de bambous (avec un serviteur), une peinture japonaise de l'école de Kano de la période Edo. (Image: wikimedia / CC0 1.0)
Les sept sages de la forêt de bambous (avec un serviteur), une peinture japonaise de l'école de Kano de la période Edo. (Image : wikimedia / CC0 1.0)
 
 
« Leur esprit indépendant s’est écarté de l’idéal confucéen de la vertu, traditionnellement prôné par le service public. Ils proposaient à la place de cultiver l’individualité afin d’atteindre l’auto-perfection. L’idée de se retirer de la vie publique pour se consacrer à la cultivation de soi a attiré à la fois ceux qui étaient éloignés des affaires politiques et ceux qui étaient motivés par des pratiques religieuses ou esthétiques », selon le New World Encyclopedia.

1. Ji Kang

Ji Kang, généralement identifié comme étant le chef du groupe, frappait par son éloquence. Ses critiques sur le confucianisme et les conventions sociales de l’époque en firent une cible de haine. Lorsqu’un régent lui offrit un poste de fonctionnaire civil, Ji Kang le refusa, dédaigneux. Il fut rapidement inculpé de « perversion de la morale publique » et condamné à mort.
 
Trois mille étudiants de l’Imperial College se rassemblèrent autour de l’échafaud et demandèrent la suppression de la peine, en vain. Ji Kang fut exécuté. Avant d'être tué, Ji aurait joué une dernière chanson sur son instrument préféré, le guqin. « Sa vie reste l'emblème d'un érudit à l’esprit libre et qui a vécu pleinement, sans tenir compte des conventions sociales dérisoires, afin de trouver le bonheu», selon China Simplified.
 
«Les sept Dignes de la forêt de bambous», dynasties Cao Wei-Jin. (Image: wikimedia / CC0 1.0)
Les sept Dignes de la forêt de bambous, dynasties Cao Wei-Jin. (Image : wikimedia / CC0 1.0)
 

2. Liu Ling

Liu Ling était un poète et un érudit qui s'était retiré à la campagne pour mener une vie simple, ce qu'il pensait être impossible à la cour. Il est célèbre en raison de son goût très prononcé pour l’alcool. De fait, une légende raconte que Liu était toujours suivi par un serviteur qui portait une bouteille de vin. Le bruit courait qu’il aimait se rendre chez lui complètement nu. Liu était très peu attaché à son corps et ne se souciait pas de son apparence. Il n’accordait aucune importance à l’endroit où il serait enterré. C’est pourquoi le serviteur portait également une pelle lorsqu’il le suivait, afin d’enterrer le poète où qu’il soit à sa mort. 
 
L'écrivain américain Jack London s’est fortement inspiré de Liu Ling, notamment de sa vision sur l’alcool et la mort. Il partage avec Ling l’idée que, pour une homme ivre, toutes les affaires du monde ressemblent à des « petites lentilles d’eau sur une rivière ». 
 

3. Ruan Ji

Ruan Ji était un autre poète parmi les Sept Sages. Contrairement à Ji Kang, Ruan put éviter bon nombre des dangers politiques en se donnant l’image d’un alcoolique excentrique. Son comportement jeta un grand discrédit sur ses idées, et les gens ne le suivirent pas. Voici une anecdote sur Ruan. Lorsque celui-ci apprit le meurtre d’une mère par son fils, il déclara que le tueur n’avait qu’à suivre son chemin et tuer également son père. On lui demanda de s’expliquer, il répondit alors que les animaux connaissaient leur mère, mais pas leur père. Un homme qui tue son père s’abaisse au niveau d’un animal. Mais tuer sa mère, c’est leur être inférieur. 
 
Une autre légende raconte que Ruan apprit la mort de sa mère alors qu’il jouait aux échecs. Au lieu de s’arrêter, il poursuivit et termina la partie. Pendant les funérailles en revanche, Ruan sanglota bruyamment. Le poète Wang Ji affirmait que Ruan était le premier homme depuis l’existence des dirigeants légendaires à avoir découvert le chemin qui mène au paradis de l’intoxication universelle.
 
Sept Sages de la forêt de bambous, Musée Provincial du Shaanxi. (Image: wikimedia / CC0 1.0)
Sept Sages de la forêt de bambous, Musée Provincial du Shaanxi. (Image : wikimedia / CC0 1.0)

4. Ruan Xian

Ruan Xian était un érudit et un grand joueur du luth chinois. L’instrument évolua pour devenir ensuite le « pipa » et fut renommé « ruan » en son honneur depuis l’époque de la dynastie Tang. On pense qu’il eut un enfant avec l’une de ses esclaves. 
 
Il rejeta toutes les règles confucianistes de comportement social. Ruan était si insouciant qu’il but de l’eau d’un bol pour les cochons devant sa famille. Pour ridiculiser les extravagances des gens de la cour, Ruan ouvrit son pantalon ample avec des bâtons de bambou. Malgré son excentricité, Ruan était connu pour être gentil et honnête. À une occasion, il permit à un serviteur fatigué de monter son cheval sur le chemin du retour, ce qu’un maître faisait rarement à cette époque.
 

5. Xiang Xiu 

Xiang Xiu est célèbre pour ses commentaires sur le Zhuangzi, un ancien texte taoïste. Après l’exécution de Ji Kang, Xiang dut revenir sur certaines de ses déclarations controversées pour éviter d’être accusé de trahison et condamné à mort, comme Ji. Il fut aussi contraint d’accepter plusieurs postes dans la capitale. 
 
Pour Xiang, seules les qualités de gentillesse, la joie des couleurs, de la beauté, et du goût, étaient conformes à la nature, et devaient être adoptés par les hommes. Il ne voyait aucune différence entre les « grands » et les « petits » hommes, affirmant que ces classifications étaient des créations artificielles de l'homme. Il souhaitait que les humains ne subissent aucune restriction de comportement ni de sentiments. Cependant, contrairement à certains de ses pairs, Xiang n’ignora jamais complètement les règles de conduite confucéennes et admit que les respecter était utile dans certaines circonstances sociales. 
 
 
Sept Saints dans la forêt de bambous. (Artiste inconnu) (Image: wikimedia / CC0 1.0)
Sept Saints dans la forêt de bambous. (Artiste inconnu). (Image : wikimedia / CC0 1.0)
 

6. Wang Rong

Wang Rong était un général militaire qui avait pris part à des conquêtes pour le compte de la dynastie Jin. Il devint plus tard un érudit de la dynastie et écrivait de manière très détaillée la vie du royaume. Bien qu'il considérait que le confucianisme et le taoïsme avaient fondamentalement le même objectif, Wang estimait que les enseignements de Confucius accordaient trop d'importance à la méthode d’enseignement, tandis que les taoïstes préféraient suivre le chemin de la nature.
 
Malgré son intérêt pour la philosophie, Wang était extrêmement gourmand. Il craignait que d’autres personnes ne produisent les pruniers qu’il cultivait lui-même dans son jardin, dont les prunes avait un goût particulier. Wang découpait les noyaux avant de vendre ses prunes pour pallier le problème. 
 

7. Shan Tao

Shan Tao était un philosophe taoïste qui partageait le même amour pour l’alcool que les autres membres du groupe des sept Sages. Jeune, Shan s’était fait connaître pour son attitude magnanime. Il détestait les foules. Shan recommanda ses amis Ki Kang et Ruan Xian à des postes gouvernementaux. 
 
Il avait une connaissance approfondie du comportement humain. Le tribunal faisait donc appel à sa sagesse pour résoudre de nombreuses questions importantes. Il ne doit pas être confondu avec Shandao, un écrivain bouddhiste qui vécut au VIIème siècle de notre ère.
 
 

Traduit par Lia Suzuran

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