En 2013, moins d’un an après son investiture à la tête du Parti communiste chinois, Xi Jinping présentait, lors d’un discours prononcé dans le Kazakhstan, les contours d’un des plus ambitieux projets de ce siècle : les Nouvelles routes de la soie.
S’inspirant, selon lui, des Routes de la soie qui existèrent il y a plus de 2000 ans, reliant la Chine à l’Empire romain et à l’Europe pendant près de 1000 ans, Xi Jinping a présenté l’ébauche de routes maritimes et terrestres qui devraient renforcer la communication et la coopération entre la Chine et le reste du monde : One Belt, « la ceinture économique de la route de la Soie », immense ceinture terrestre par rails et route reliant la Chine à l’Europe par l’Asie, complétée par One Road, « la nouvelle route maritime de la Soie », une voie maritime passant par l’Afrique et le Moyen-Orient pour rallier l’Europe.
Des intérêts à sens unique ?
Les objectifs exprimés par Xi Jinping lors de son discours de présentation visaient ainsi à renforcer la « communication politique » et la paix dans ces régions en luttant contre « les trois forces maléfiques » que sont le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme, mais aussi améliorer les dessertes de transport et ainsi faciliter le commerce, renforcer la circulation des devises. Tout cela afin, conclut-il, de « renforcer les échanges amicaux entre leurs peuples afin de promouvoir la compréhension et l'amitié entre eux ».
Dans cette optique, différents accords ont successivement été passés avec certains états asiatiques, africains et européens, s’accompagnant de promesses d’investissements faramineux.
Selon Epoch Times, ce projet gigantesque « inclut la construction de routes, ports, lignes de chemin de fer, parcs industriels et réseaux d’énergie et de télécommunications pour un montant d’investissements estimé entre 4 000 et 8 000 milliards de dollars, couvrant près de 70 pays et plus des deux tiers de la population mondiale. »
Des chemins de fer en Ouzbékistan, autre pays d’Asie centrale, investi par le régime chinois. (Image : falco / Pixabay)
De nouveaux objectifs se profilent ainsi pour le régime chinois :
- rattraper le retard de développement de certaines de ses régions, telles que le Xinjiang à l’Ouest en la reliant à la Méditerranée par le biais des pays de l’Asie centrale et du Moyen-Orient,
- promouvoir et écouler sa production industrielle excédentaire vers les pays partenaires, tout en assurant son approvisionnement en matières premières indispensables à son économie et provenant surtout de pays en développement,
- établir une hégémonie commerciale et politique en ayant la mainmise sur des sites portuaires ou urbains géostratégiques.
En 2020, soit 7 ans après l’annonce du projet, les contours demeurent encore flous, tant en termes financiers que matériels.
Des accords sous fond de stratégie géopolitique
Selon le FMI, près de 130 pays ont pu signer des accords avec la Chine dans le cadre de la BRI (Belt and Road Initiative, autre nom donné à ces Nouvelles routes de la soie), la majorité se situant en Asie, en Afrique et en Europe de l’Est.
Chemins de fer, ports, autoroutes, aéroports mais aussi pipelines ou barrages hydro-électriques sont autant d’investissements pratiqués ou projetés dans nombre de ces pays.
Les pays émergents, dont les besoins en infrastructure sont saillants, ont été très vite preneurs, avec des conséquences parfois désastreuses.
Le Sri-Lanka a probablement été le premier à en faire les frais avec la construction du port de Hambantota dès 2012, produit des investissements chinois, s’accompagnant d’une zone économique de 15 000 acres autour. Seulement, la dette d’1,4 milliard de dollars créée pour le Sri-Lanka a constitué un goulot d’étranglement pour ce pays insulaire situé au sud de l’Inde.
En décembre 2017, le gouvernement sri-lankais a du céder le port au régime chinois pour un bail de 99 ans afin de rembourser sa dette.
Au Kenya, le port de Mombasa est en passe, malheureusement, de subir le même sort.
En Asie centrale, les pays de l’ex-URSS, Tadjikhistan, Kirghistan, Kazakhstan constituent aussi des passages obligés pour la route de la Soie, aussi la Chine a-t-elle investi dans ces pays riches en matières premières. En dépit de la présence militaire historique russe, l’influence économique de la Chine s’étend largement : 20% du pétrole kazakhe et plus de 80% des mines d’or tadjikes sont maintenant exploités par le parti communiste chinois. La Chine détient 42% de l’endettement du Tadjikhistan et 48% du Kazakhstan. Selon la publication Geopolitical Futures, « les pays d’Asie centrale pourraient tomber dans les soi-disant pièges de la dette ».
Le Corridor Chine-Pakistan au cœur des conflits sino-indiens, des persécutions ouïghours ?
Le Pakistan qui est limitrophe de la Chine par la province du Xinjiang, s’était ainsi placé au cœur d’un vaste projet de corridor qui ouvre la Chine à la Mer d’Oman. Le Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) devait ainsi relier la région du Xinjiang au port de Gwadar, promettant la naissance d’un véritable pôle économique.
Cependant, plus de sept ans après le début du projet, l’activité économique demeure précaire, les travaux et construction en suspens, laissant entendre que le régime chinois aurait ralenti voire diminué ses investissements. Bien que le nouvel aéroport de Gwadar ne soit toujours pas achevé après trois ans de travaux, le Pakistan va démarrer la construction d’un impressionnant barrage de plus de 200 mètres de hauteur.
Problème, le site se trouve dans l’état de Gilgit-Baltistan, zone sensible du Cachemire, dans les contreforts de l’Himalaya, puisque revendiquée par l’Inde… avec un peu plus loin, la Chine elle-même.
En effet, en 1947, cet ancien état princier du Jammu-et-Cachemire fut scindé en deux, une part laissée à l’Inde et l’autre au Pakistan, lequel céda par la suite la vallée de Shaksgam et l'Aksai Chin à la Chine.
Les conflits ont toujours été saillants entre les deux frères ennemis, l’Inde et le Pakistan, le Cachemire étant le point focal de ces conflits.
Le premier ministre indien, Narendra Modi, est d’ailleurs revenu sur le statut de l’état de Jammu-et-Cachemire, autonome depuis des décennies. Depuis le 5 août 2019, l’état a été rétrogradé au statut de territoire de l’union et scindé en deux : le Jammu-et-Cachemire à l’Ouest, le Ladakh à l’Est.
Concernant le Ladakh, de récents conflits sont survenus entre l’Inde et la Chine dans le Ladakh en juin dernier, après 45 ans de voisinage sans heurts majeurs. Plus de 20 morts côté Inde et des tensions ravivées entre le Ladakh indien et l'Aksai Chin chinois.
On se demande alors quelles sont les véritables intentions du régime chinois avec ces investissements pratiqués dans cette région du Pakistan ?
A l’autre extrémité de ce fameux corridor économique, dans la province chinoise du Xinjiang, ce sont les Ouïghours, minorités musulmanes chinoises,qui subissent depuis plusieurs années une persécution massive : surveillances (collecte de données personnelles, installation de caméras de surveillance…), internements, déportations vers d’autres régions dans des camps de travail forcé, et même stérilisations des femmes Ouïghours…
On estime que plus d’un million de Ouïghours ont déjà subi ces persécutions.
Cette région du Xinjiang, peuplée à plus de 50 % par les musulmans, avait fait l’objet de plusieurs attentats, attribués à des séparatistes ouïghours et ainsi « reprise en main » par le parti communiste chinois.
Bizarrement, les débuts de cette persécution, en 2014, coïncident avec l’instauration du projet CPEC (China - Pakistan Economic Corridor).
Se pourrait-il qu’un lien existe entre ces différents événements et l’établissement de ce corridor économique, lequel, à terme, renforcerait l’hégémonie du régime communiste chinois en Asie ?
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