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Chine. Lettre de Masanjia : SOS cachée dans un kit d’accessoires

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Lettre de Masanjia : une lettre de SOS cachée dans un kit d’accessoires d’Halloween

 

Julie a rencontré Sun Yi dans son appartement simple à Jakarta,en Indonésie. (Image : Avec l’aimable autorisation de Flying Cloud Productions)
 

Un chinois emprisonné dans un camp de travaux forcés cacha une lettre de SOS dans un kit d’accessoires d’Halloween qu’il a été forcé de fabriquer. Quelques années plus tard, une dame américaine découvrit sa lettre en ouvrant ce kit.

Avant la fête traditionnelle occidentale d’Halloween de cette année, BBC avait publié un article intitulé La lettre de SOS chachée dans mes accessoires d’Halloween (The SOS in my Halloween decorations) rédigé par le journaliste Jon Kelly.

Cet article a raconté une vraie histoire : Julie Keith, directrice d’une boutique franchisée de l’enseigne Goodwill qui vit en Oregon aux États-Unis, se remémore toujours cette scène inoubliable.

Un secret choquant caché dans une boîte d’une pierre tombale pour Halloween

C’était en 2012. Un soir, la fille de Julie lui demanda s’il était possible d’avoir un goûter d’anniversaire avec le thème d’Halloween pour ses 5 ans. Julie pensa au kit d’accessoires d’Halloween qu’elle avait acheté chez Kmart, une chaîne de supermarché, et qu’elle avait ensuite rangé à l'étage. A l’ouverture de l’emballage du kit, une feuille de papier tomba de la boîte.

C’était une lettre en anglais. « Cher Monsieur », voici le début de cette lettre. « Si vous avez acheté ce produit par hasard, merci de bien vouloir transmettre ma lettre aux organismes internationaux des droits de l’Homme. Ici, des milliers de personnes persécutées par le gouvernement communiste chinois vous remercieront et se souviendront de vous pour toujours. »

 

BBC avait publié un article intitulé “La lettre de SOS chachée dans mes accessoires d’Halloween” (The SOS in my Halloween decorations) rédigé par le journaliste Jon Kelly.
BBC avait publié un article intitulé La lettre de SOS chachée dans
mes accessoires d’Halloween (The SOS in my Halloween decorations)

rédigé par le journaliste Jon Kelly.
 

Julie continue sa lecture. Dans cette lettre, elle apprit que ce kit de pierre tombale avait été fabriqué par l’équipe N°8 de la section N°2 du Camp de travaux forcés à Masanjia dans le Nord-Est de la Chine. Les prisonniers y étaient obligés de travailler 7j/7 et 15 heures par jour : « Sinon, ils auraient été torturés, frappés et humiliés. Ils ne touchaient presque pas d’argent (seulement 10 Yuan RMB par mois) ». C'est-à-dire environ un euro.

La lettre expliquait que ces prisonniers, n’ayant pas été jugés devant le tribunal dûment selon la procédure pénale, étaient souvent détenus dans ce camp entre un et trois ans. Parmi ces détenus, il y avait beaucoup de pratiquants de Falun Gong. « Ils subissent plus de tortures que les autres prisonniers. » Cette lettre ne portait aucune signature.

« J’ai été choquée », dit Julie, « j’ai vraiment du mal à croire que ce genre de choses se passent devant mes yeux ». Elle essayait d'imaginer combien l’auteur de la lettre était désespéré, et avec quel courage qu’il avait pu cacher cette lettre dans ces accessoires.

Ne connaissant pas du tout l’auteur, Julie a ensuite partagé cette lettre sur les réseaux sociaux. Après avoir fait la Une du journal américain The Oregonian, cet événement a tiré l’attention des médias internationaux tels que CNN, Fox News, New York Times et The Globe and Mail, suscitant des réactions en chaîne.

L'auteur de la lettre mystérieuse

En 2013, New York Times a contacté Julie pour la prévenir que l’auteur de cette lettre avait été retrouvé discrètement. « J’étais vraiment émue d’avoir appris qu’il était encore vivant d’une part, de l’autre, il était fier de moi, je sais que j’ai fait quelque chose de bien », disait Julie.

L’auteur de cette lettre de SOS s’appelait Sun Yi, un ancien ingénieur d’une société pétrolière chinoise. Il avait été persécuté parce qu’il pratiquait une méditation qui s’appelait Falun Gong. Sun Yi avait découvert cette méthode de méditation à côté de chez lui à Pékin par hasard. Quand il a su que c’était une méthode de l’école de Bouddha, il a vite rejoint les autres pratiquants pour commencer à pratiquer Falun Gong.

En juillet 1999, en lançant une propagande mensongère et haineuse contre Falun Gong, le régime communiste chinois avait rassemblé toutes les ressources du pays pour persécuter sans merci les pratiquants. En février 2008, avant d’accueillir les jeux olympiques en Chine, l’autorité chinoise lança une nouvelle vague de répression et arrêta beaucoup de pratiquants de Falun Gong. Sun Yi en faisait partie. Il a été envoyé au Camp de travaux forcés de Masanjia dans le Nord-Est de la Chine. Ce camp enfermait non seulement de vrais criminels, mais aussi des dissidents et des prisonniers de conscience.

L’histoire de l’auteur de la lettre Sun Yi

Arrivé au camp, Sun Yi a rapidement été attribué à l’équipe N°8. Il a été amené dans un immeuble, dans une chambre qui se situait au 3e étage. Il a vu devant lui des objets ressemblant aux pierres tombales. Il les a pris dans ses mains : c’était des objets blanc en polystyrène que l’on allait peindre en noir. Sun Yi devait les essuyer avec une éponge mouillée afin qu’ils prennent un aspect usé.

A ce moment-là, une idée lui est venue à l’esprit. Il comprit que ces décorations d’Halloween étaient pour l’exportation car les étiquettes étaient écrites en anglais. Pourquoi ne pas écrire quelques lettres et les insérer dans ces emballages ? Peut-être que quelqu’un en découvrirait une et raconterait au monde entier ce qui se passait à Masanjia ?

 

En 2013, New York Times a contacté Julie pour la prévenir que l'auteur de cette lettre avait été retrouvé discrètement.
En 2013, New York Times a contacté Julie pour la prévenir que l’auteur de cette lettre avait été retrouvé discrètement.
 

Un soir, Sun Yi s’allongea dans la cellule à côté d’une trentaine ou quarantaine de prisonniers. Il s’est tourné vers le mur. Dehors on pouvait entendre des criquets. Sun Yi sortit une feuille de papier et un stylo sans bruit. Il savait que les surveillants étaient en patrouille. Sun Yi prit son stylo pour commencer à rédiger ces lettres.

Selon Sun Yi, il a écrit environ vingt lettres à Masanjia qu’il a insérer dans différents  emballages de pierres tombales avec la plus grande précaution, car il ne savait pas quels kits seraient contrôlés. Il rédigeait souvent ces lettres à l’heure du repos quand les autres prisonniers n’etaient pas dans la même pièce.

Sun Yi a montré ses lettres aux autres pratiquants de Falun Gong détenus dans le même camp. Un jour, l’une de ses lettres a été découverte par un surveillant durant le contrôle. Les gardiens ont battu la personne qui cachait cette lettre pour savoir qui étaient les complices. Ils étaient certains qu’il y en avaient car cette personne ne parlait pas anglais. Mais elle dénonça pas Sun Yi. Alors Sun Yi et les autres pratiquants de Faun Gong furent réprimés aussi. Ils étaient forcés de se mettre débout, les poignets menottés sur un lit mezzanine. S’ils s’endormaient, les menottes s’enfonçaient dans leurs poignets comme un couteau.

Quand Sun Yi était détenu à Masanjia, sa femme lui adressa une lettre pour lui demander le divoirce. Car sa famille et elle-même avaient également été harcelées et détenues par le gouvernement chinois après l’arrestation de Sun Yi. Elle a su que les autres membres de sa famille ne pouvaient plus se faire embaucher par leur entreprise tant qu’elle restait l’épouse de Sun Yi.

En septembre 2010, Sun Yi a été libéré du Camp de Masanjia. Il a continué à pratiquer Falun Gong. En 2012, il a trouvé une solution pour contourner la censure du gouvernement chinois sur Internet afin de se connecter sur des sites étrangers. Un jour, pendant sa lecture, il est tombé sur cette histoire qui racontait la découverte d’une lettre de SOS cachée dans une boite d’accessoire d’Halooween en Oregon aux Etats-Unis.

La rencontre entre l’auteur de la lettreet la personne qui l’a découverte

Peu après, Julie eut des nouvelles de Sun Yi. « NewYork Times m’a contactée pour me prévenir qu’ils étaient toujours en contact avec lui. » Sun Yi lui a même écrit une lettre. Julie  se rappelle que dans cette lettre, « Sun Yi était ravi que j’aie publié cette lettre car c’était vraiment ce qu'il souhaitait. »

Sun Yi était non seulement en contact avec New Yor Times, mais aussi avec Leon Lee, un réalisateur Canadien. Après avoir conclu un accord pour devenir le protagoniste d’un film, Sun Yi commença à enregistrer des vidéos qu’il envoyait ensuite à Leon. Sun Yi était conscient des énormes risques qu’il encourait.

A ce moment-là, il voulait se remarier avec son ex-femme et quitter la Chine avec elle.  Lorsqu’une nouvelle vague de répression contre les pratiquants de Falun Gong arriva, la police fit irruption chez son ex-femme et demanda à cette dernière de les contacter si elle revoyait Sun Yi. Un peu plus tard, Sun Yi se fit de nouveau arrêter.

Pourtant, Sun Yi eut un gros soucis de santé pendant la détention, ce qui lui permis d’être libéré. Avec l’aide de Leon, il s’enfuit vers Jakarta, la capitale de l’Indonésie.

Sun Yi vécut dans des conditions difficiles en Indonésie : il déposa sa demande d’asile, mais en tant que demandeur d’asile, il ne pu pas travailler. Il ne pouvait pas non plus contacter son ex-femme, craignant que l’autorité chinoise la harcèle. Il ne pouvait que vivre de son épargne et apprendre l’indonésien et l’anglais.

A ce moment-là, Julie prit l’avion pour aller lui rendre visite en Indonésie. Leon est également venu pour filmer ce moment précieux.

Julie a rencontré Sun Yi dans son appartement simple à Jakarta. Selon elle : « C’était comme si nous nous sommes connectés à cet instant-là »« Il m’appellait petite soeur, comme si nous nous étions toujours connus ».

Ils ont échangé des cadeaux. Il lui a acheté des fleurs, et elle lui a offert un livre sur la vie en Oregon. Elle lui a également amené sa lettre de SOS rédigée à Masanjia ainsi que la pierre tombale en polysterène. Julie disait : « J’ai l’impression qu’il m’a remerciée sincèrement d’avoir amené tout cela. »

Après le retour de Julie aux Etats-unis, Sun Yi a pleuré. Il n’aurait jamais imaginé qu’elle puisse venir de si loin. « Je la remercie vraiment pour tout ce qu’elle a fait », disait-il à Leon devant la caméra, « Je ne sais pas comment la remercier, c’est comme si elle faisait partie de ma famille ».

Peu après la visite de Julie, un redoutable agent secret chinois prit contact avec Sun Yi. Deux mois plus tard, Sun Yi décéda d’une insuffisance rénale aiguë. L’autorité indonésienne ne mena pas d’investigation sur les causes de sa mort, malgré la demande de son ex-femme et de ses soeurs. Leon Lee avait des doutes sur la cause de son décès : « Il n’avait pas de problèmes de reins, il était en bonne forme quand je l’ai vu en Inodonésie. »

Julie était fortement attristée par cette nouvelle, mais elle se sentait honorée d’avoir connu Sun Yi, « C’est la personne la plus déterminée et la plus forte que j’ai jamais rencontrée. Tout ce qu’il a vécu, le fait qu’il ait pu s’en sortir et qu’il le partage avec le monde entier, c’est vraiment incroyable. »

Le réalisateur Leon Lee : Un documentaire filmé par Sun Yi en risquant sa vie

Le réalisateur Leon Lee a expliqué que pendant le tournage de ce documentaire, « la plus grande difficulté résidait dans les risques encourus par Sun Yi. A l’époque, il se trouvait encore en Chine. S’il se faisait découvrir pendant le tournage, les conséquences pourraient être très graves ».
 

« Sun Yi a tourné ce film en risquant sa vie. »

 Après avoir conclu un accord pour devenir le protagoniste d’un film, Sun Yi commença à enregistrer des vidéos qu’il envoyait ensuite à Leon. Sun Yi était conscient des énormes risques qu’il encourait.
 Après avoir conclu un accord pour devenir le protagoniste d’un film, Sun Yi commença à enregistrer des vidéos qu’il envoyait ensuite à Leon. Sun Yi était conscient des énormes risques qu’il encourait.
 

Leon Lee se souvenait encore de tout ce qui s’était passé durant le tournage : il devait garder des contacts assez réguliers avec Sun Yi et il s’inquiétait pour ce dernier dès qu’il n’avait plus de ses nouvelles pendant un certain temps. Il s’inquiétait beaucoup pour lui, pour sa sécurité. Sun Yi a tourné ce film en caméra cachée en Chine face au danger de mort. Il a également interviewé les anciens détenus du Camp de Masanjia pour obtenir des informations de première main. Ce film a également montré les dessins de Sun Yi à travers lesquels nous pouvons connaître ce qu’il a vécu dans le Camp de travaux forcés à Masanjia.

Depuis sa première projection le 27 avril dernier, ce documentaire a été diffusé dans de nombreux pays et a été primé dans plusieurs festivals internationaux de films documentaire.

 

 

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