Selon un professeur et directeur d’un Centre de recherche et d'éducation sur la prévention de la violence, le fait d’être témoin de violence nuit à la santé mentale des enfants.
Caroline avait du mal à convaincre sa fille d’aller à l’école. La veille au soir, l’enfant avait vu aux informations la nouvelle d’un attentat terroriste à la bombe qui venait de se produire, et au cours duquel plusieurs enfants et adultes avaient été tués et des écoles avaient été immédiatement fermées.
Sa fille avait de la difficulté à dormir et refusait de prendre son petit déjeuner. Lorsque Caroline demanda à sa fille ce qui n’allait pas, elle répondit d’une petite voix : «J’ai peur maman. Si je vais à l’école, quelqu’un pourrait venir me tuer !? Je ne veux pas mourir».
En tant que chercheurs et cliniciens ayant étudié le problème de la violence au cours des trois dernières décennies, nous avons été témoins d’une augmentation constante des niveaux dvexposition des enfants à la violence et de ses effets néfastes sur leur santé mentale.
Quel impact cette exposition à la violence a-t-elle sur les enfants et les adolescents, et en particulier sur leur santé mentale ? Et comment devrions-nous faire face à la peur et à l’insécurité accrues résultant de tels événements ?
Exposition à la violence
Aujourd’hui, les enfants utilisent différentes formes de médias et à des niveaux sans précédent - 92 % des adolescents vont en ligne quotidiennement et 24 % sont en ligne en permanence. En conséquence, les enfants sont exposés à la violence par le biais de multiples médias. Ainsi, même si la violence se produit dans une autre partie du monde, les enfants y sont immédiatement exposés, de façon intense et répétée.
Il existe de plus en plus de preuves démontrant que l’exposition à la violence dans la vie quotidienne a un impact important sur la santé mentale des enfants.
Les enfants d’aujourd’hui grandissent dans un monde où la peur et l’insécurité priment sur la confiance et la sécurité. Cela n’est pas seulement dû à la violence dans les médias, mais aussi à celle à laquelle ils sont exposés dans la vie réelle.
En dehors des actes terroristes, les enfants peuvent être témoins ou victimes de bien d’autres sortes de violence. Par exemple, lorsque nous avons interrogé des élèves du secondaire, entre 13 et 45 % d’entre eux ont déclaré avoir été battus à l’école. Entre 23 et 82 % ont dit avoir été témoins de violences sur une autre personne à l’école, au cours de la dernière année.
Nous avons également vu comment le nombre de fusillades dans les écoles a augmenté au cours des cinq dernières années, faisant de nombreuses victimes.
Pour les enfants exposés à des niveaux élevés de violence, les symptômes de dépression, de colère et d’anxiété atteignent des niveaux record. (pixabay)
Les conséquences de cette violence sur les enfants
Pour les enfants exposés à des niveaux élevés de violence, en tant que témoins ou victimes, les symptômes de dépression, de colère et d’anxiété atteignent des niveaux record.
Notre étude, auprès d’enfants de la troisième à la huitième année qui ont été témoins ou victimes de violence (ex : coups, gifles, coups de poing, etc) a révélé que 12 % d’entre eux montraient des niveaux d’anxiété pouvant nécessiter un traitement.
De même, six mois après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, une enquête menée à New York auprès de plus de 8 000 élèves de la quatrième à la douzième année a montré que près de 30 % des enfants ont fait état de symptômes d’anxiété ou de dépression.
L’exposition à la violence pourrait également avoir d’autres effets à long terme. Des études ont montré comment les enfants peuvent être désensibilisés à la violence et à ses effets, jusqu’à en arriver à penser que la violence est un moyen acceptable de résoudre des problèmes et qu’elle est sans conséquence.
Ils pourraient aussi en venir à croire que la violence peut se produire n’importe où, sur n’importe qui, et n’importe quand. En outre, ces enfants sont également confrontés au risque de développer des pulsions les poussant à commettre eux-mêmes des actes de violence envers autrui.
Nos études ont montré que les enfants qui sont témoins ou victimes de violence sont plus agressifs envers les autres. Ces enfants présentent également des niveaux élevés de symptômes de stress post-traumatique.
Nous avons toujours trouvé des liens entre l’exposition à la violence et les symptômes de traumatismes, que ce soit chez les enfants à l’école, chez les jeunes de la collectivité ou chez des jeunes soumis à un traitement à la suite d’une déjudiciarisation au sein du système carcéral.
Les adolescents exposés à des niveaux élevés de violence ont déclaré être sujets à des accès plus importants de colère et de dépression. Ils ont également signalé des taux plus élevés de scarification ou de suicide que pour ceux appartenant à des groupes moins exposés à la violence.
Les enfants sont exposés à la violence à travers les différents médias. (pixabay)
L’exposition médiatique
Des études plus récentes ont confirmé qu’une forte exposition des enfants et des adolescents à la violence télévisuelle est également associée à des niveaux plus élevés d’agressivité et de comportement violent. L’exposition à la violence montrée par les médias est constamment associée à des comportements problématiques, comme l’augmentation de l’agressivité et de l’anxiété.
Les enfants pourraient aussi éprouver moins d’empathie et de compassion envers les autres. Certains enfants exposés à diverses formes de violence provenant des médias (non seulement à la télévision, mais aussi sur Internet, au cinéma et dans les jeux vidéo) peuvent en venir à considérer le monde comme un endroit dangereux et effrayant où ils ne sont pas en sécurité, impuissants face au danger.
C’est un problème particulier pour les très jeunes enfants, comme ceux de moins de six ans, qui ont de la difficulté à distinguer la réalité de l’imaginaire.
L’exposition à la violence peut nuire au développement émotionnel et mental des jeunes enfants et des adolescents. Ils ne sont pas à même d’analyser efficacement ce qu’ils voient et entendent. Cela peut, en partie, être dû au fait qu’une exposition prolongée à la violence peut affecter certaines parties de leur cerveau.
Chez les adolescents, la partie antérieure du cerveau appelée cortex préfrontal, et responsable du traitement de l’information, du contrôle des impulsions et du raisonnement, continue à se développer et à mûrir.
Les adolescents exposés aux jeux vidéo violents connaissent une diminution de l’activité du cortex préfrontal, ce qui les rend moins aptes à résoudre des problèmes et à contrôler leurs émotions.
Les parents ont un rôle important à jouer. Ils doivent communiquer avec leurs enfants. (pixabay)
Le rôle des parents
Les parents ont un rôle important à jouer. Ils doivent communiquer avec leurs enfants, s’inquiéter de là ou ils sont et de ce qu’ils font. Cela les aidera à s’enraciner dans le monde qui les entoure.
Il en va de même pour les adolescents. On suppose parfois qu’à mesure que les enfants grandissent, ils nécessitent moins de soutien et de surveillance, car ils passent plus de temps avec leurs camarades et ont besoin de plus d’indépendance.
Ce n’est souvent pas le cas. Les adolescents ont l’accès plus facile aux médias sociaux, aux drogues, à l’alcool, et aux moyens de transport. À cela s'ajoute la preuve de plus en plus évidente que les parties de leur cerveau impliquées dans la résolution des problèmes et le contrôle des impulsions ne sont pas encore complètement développées.
Les parents sont souvent les premiers à identifier les problèmes de santé mentale et les troubles du comportement chez leurs enfants. Et ils pourraient donc être les mieux placés pour leur fournir l’aide et les soins dont ils ont besoin.
Les auteurs du rapport
Daniel J. Flannery, professeur et directeur du Begun Center for Violence Prevention Research and Education, Case Western Reserve University, et Mark I. Singer, professeur de protection de la famille et de l’enfance, Case Western Reserve University.
Traduit par Fetty Adler
Version en anglais : Here’s How Witnessing Violence Harms Children’s Mental Health
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