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Monde. Les agents de sécurité chinois autorisés à enquêter en Suisse

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L’intérieur de la gare de Berne, en Suisse. (Image : Timon Studler / Unsplash)
 

Les autorités suisses essaient de limiter les dégâts après qu’une information concernant un accord secret de cinq ans permettant aux agents de sécurité chinois de « se déplacer librement, sans surveillance » en Suisse, ait été récemment rendue publique.

Safeguard Defenders, une ONG de défense des droits de l’homme en Asie, a enquêté sur cet accord aussitôt qu’il a été rendu public, grâce à un rapport du quotidien suisse en langue allemande NZZ am Sonntag du 23 août.

« Il semble inconcevable qu’un pays d’Europe occidentale donne aux agents de sécurité et de renseignement chinois un accès sans entrave à l’intérieur de ses frontières », a déclaré Safeguard Defenders dans son rapport publié le 9 décembre. « Fin août de cette année, il est apparu clairement que c’est exactement ce que la Suisse a fait. »

Les membres du Safeguard Defenders sont entrés en possession d’une copie de l’accord et ont mis à disposition la traduction en anglais. L’accord secret a été signé le 8 décembre 2015 et il a expiré le 7 décembre de cette année, ce qui en fait un accord à renouveler.

L’accord permettait à des agents du Ministère chinois de la sécurité publique (MPS) d’entrer dans le pays pour une période de deux semaines, sans statut officiel. Le rapport de Safeguard Defenders indique que cet accord permettait aux agents du MPS d’enquêter sur « l’immigration irrégulière » par opposition à « l’immigration illégale ».

Selon un rapport de Swissinfo, les personnes concernées par l’accord comprennent les demandeurs d’asile déboutés, les voyageurs clandestins et les personnes sans papiers d’identité. Swissinfo a informé que le Secrétariat d’Etat suisse aux migrations (SEM) avait déclaré que 13 individus, dont quatre demandeurs d’asile, ont été expulsés vers la Chine dans le cadre de l’accord.

Le Safeguard Defenders a déclaré dans son rapport que le sort de ces 13 personnes reste inconnu.

« Le rapport du SEM sur ces personnes n’a pas été rendu public, donc on ne sait pas qui elles sont, ce qui leur est arrivé une fois renvoyées en Chine, et quelles mesures, le cas échéant, la partie suisse a prises pour assurer leur sécurité », a déclaré le groupe de défense des droits de l’homme.

 

Genève, en Suisse. (Image : 495756 / Pixabay)
Genève, en Suisse. (Image : 495756 / Pixabay)
 

Dans son rapport, Safeguard Defenders a confirmé que l’accord donnait aux agents chinois le droit d’opérer librement en Suisse sans aucune surveillance, ajoutant qu’il n’y avait aucun moyen de garantir que ces agents n’entrent pas ou n’opèrent pas dans d’autres pays européens, sans visa.

Le groupe de défense des droits de l’homme a souligné que tout cela a été fait en sachant parfaitement que ces agents usent de menaces contre leurs cibles et les membres de leurs familles en Chine, pour contraindre les personnes concernées à retourner en Chine.

Le rapport de Safeguard Defenders ajoute que le gouvernement suisse a couvert les frais des agents chinois dans le pays.

« C’est-à-dire que les contribuables suisses paient pour que des agents de police chinois entrent secrètement en Suisse et mènent des opérations non supervisées contre des Chinois à l’intérieur du pays », indique le rapport de Safeguard Defenders.

Dissimulation

Le rapport de Safeguard Defenders souligne les efforts déployés par les responsables suisses pour dissimuler la vraie nature de l’accord une fois qu’il a été découvert. Il souligne qu’après que NZZ am Sonntag ait révélé l’histoire, le SEM et le ministre responsable Mario Gattiker ont déclaré que l’accord n’avait pas été rendu public parce qu’il s’agissait d’un « accord administratif ».

Un autre porte-parole du gouvernement a ajouté que l’accord ne sortait pas de l’ordinaire et que la Suisse avait de tels accords de réadmission avec 60 autres pays. Deux de ces accords, avec la Chine et l’Inde, ont été considérés comme étant simplement « techniques » et n’ont donc pas dû être rendus publics, a déclaré le porte-parole.

Safeguard Defenders a cependant déclaré que les détails de l’accord avec l’Inde avaient été rendus publics, menant à une autre déclaration officielle affirmant que l’accord avec la Chine n’avait pas besoin d’être rendu public.

Safeguard Defenders a ensuite comparé l’accord avec des accords similaires entre la Suisse et la Suède, le Royaume-Uni, Hong Kong et l’Inde.

« Dès que nous l’avons fait, nous avons immédiatement compris pourquoi la Suisse avait voulu garder cet accord secret », a déclaré l’ONG de défense des droits de l’homme.

« Tous les autres accords ont été conclus avec le département de l’immigration de l’autre partie ou son équivalent. Par exemple, l’accord avec l’Inde est conclu avec la sous-section du ministère des affaires étrangères pour les questions consulaires, de visas et de passeports », a-t-elle déclaré.

« Dans le cas de la Chine, c’était avec le Ministère chinois de la sécurité publique (MSP). Si le ministère est en charge de l’immigration, il est également l’agence de police du pays, chargée du maintien de l’ordre et de la sécurité nationale, avec des branches dédiées à l’espionnage et au contre-espionnage. C’est aussi un organe impliqué dans des violations des droits de l’homme généralisées, systématiques et de grande envergure », a déclaré Safeguard Defenders.

L’ONG de défense des droits de l’homme a déclaré que la majorité des autres accords que la Suisse a conclu avec d’autres pays comprenaient un texte de grande envergure faisant référence aux limites de l’accord en ce qui concerne la protection des droits juridiques internationaux. Cela inclut le statut des réfugiés et le fait que le pacte ne concerne pas les cas qui pourraient être considérés comme un processus d’extradition.

 

Un aperçu de la première page (traduite en anglais) de l’accord de 5 ans autorisant les agents de sécurité chinois à « se déplacer librement, sans surveillance » en Suisse.  (Image : Vision Times)
Un aperçu de la première page (traduite en anglais) de l’accord de 5 ans autorisant les agents de sécurité chinois à « se déplacer librement, sans surveillance » en Suisse. (Image : Vision Times)
 

Le Safeguard Defender souligne que pour d’autres accords, les documents connexes sont rendus publics, incluant les formulaires utilisés pour demander des informations sur l’identité des personnes et leur nationalité. Les accords sont également réciproques, alors que ce n’est pas le cas avec la Chine, a-t-il noté.

« L’objectif principal de l’accord est de permettre aux agents du MSP chinois - une agence accusée de crimes contre l’humanité – de circuler librement en Suisse, dans tout le pays, pour des opérations non supervisées », a-t-il indiqué.

« La Suisse a accepté de garder secrète l’identité des agents en visite. Les agents sont sélectionnés par la Chine, et la Suisse ne participe pas à la sélection. La Chine sélectionne donc tout membre du MSP pour l’envoyer en Suisse, et ce ne sont certainement pas des agents d’immigration qui sont envoyés », a déclaré le groupe de défense des droits, ajoutant : « Aucun des accords conclus avec les autres pays ou régions examinés ne comporte ce type d’arrangement ».

Traduit par Fetty Adler

Version en anglais : Switzerland Allowed Chinese Security Agents to ’Roam Freely, Unsupervised’

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