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Opinion. La fracture numérique aggravée par le confinement ?

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Si l’outil numérique représente une source de confort pour certains, il est perçu pour d’autres comme un véritable casse-tête. (Image : Lukas Bieri / Pixabay)
 

En cette période de confinement, l’usage du numérique s’est considérablement accru. Cependant, un certain nombre de personnes n’ayant pas accès à cet outil de communication, sont plus que jamais touchées par la fracture numérique.

Lors de sa dernière intervention télévisée, le Président Emmanuel Macron s’est adressé aux Français en ces termes : « Trop d’enfants, notamment dans les quartiers populaires, dans nos campagnes, sont privés d’école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents, c’est pourquoi nos enfants doivent pouvoir retrouver le chemin des classes ».

Le chef de l’Etat a ainsi souligné les limites du numérique, justifiant sa décision de « déconfinement progressif dans les établissements scolaires ».

La fracture numérique : comment la définir ?

La fracture numérique se définit comme la disparité d’accès aux technologies numériques, plus particulièrement à internet.

En référence à une enquête de l’INSEE (l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) retenons que : « 17 % de la population française n’a pas l’accès à internet ou ne sait pas utiliser internet. Un tiers des Français peu ou pas diplômés n’utilise pas internet. 16 % des foyers modestes n’ont pas accès à internet ».

Ainsi donc, des millions de Français sont écartés du numérique et seraient victimes d’« illectronisme », c’est-à-dire de l’illettrisme numérique des temps modernes.

Savoir lire et écrire ne suffit plus. L’informatique est maintenant devenu un outil omniprésent. Il s’avère maintenant presque indispensable de savoir utiliser un ordinateur, ne serait-ce que pour accomplir une banale démarche administrative, demander un passeport, un permis de conduire, déclarer ses revenus etc…

La raison en est la « dématérialisation » ou « remplacement dans une entreprise ou une organisation de ses supports d’informations matériels (souvent en papier) par des fichiers informatiques et des ordinateurs », selon Wikipédia. A l’horizon 2022, 100% des services administratifs seront dématérialisés. Selon les prévisions gouvernementales, les supports papier devront disparaître au profit des supports numériques.

Compte tenu de la période actuelle de confinement dû à la crise sanitaire, chacun doit présenter, le cas échéant, une « attestation de déplacement dérogatoire » afin de justifier son déplacement. Pour avoir accès à ce document, l’usager doit absolument avoir à sa disposition un ordinateur ou un Smartphone, une imprimante et… une bonne connexion internet.

Le respect de la fameuse consigne : « Restez chez vous » a entraîné un usage exponentiel du numérique ! Le télé-enseignement, le télétravail, la télémédecine et autres procédés similaires ont été soudain propulsés sur le devant de la scène.

Ces techniques nécessitent non seulement un équipement approprié mais aussi une organisation et une maîtrise sans faille. Si l’outil numérique représente une source de confort pour certains, il est perçu pour d’autres comme un véritable casse-tête. Certaines personnes avouent qu’elles renoncent à poursuivre certaines démarches administratives qui nécessitent d’utiliser un ordinateur…

 

Dans le village de Pettoncourt en Moselle, il suffit que les cloches de l’église sonnent pour que la connexion internet disparaisse ! (Image : Carabo Spain / Pixabay)
Dans le village de Pettoncourt en Moselle, il suffit que les cloches de l’église sonnent pour que la connexion internet disparaisse ! (Image : Carabo Spain / Pixabay)
 

Les laissés-pour-compte du numérique : qui sont-ils ?

Un article du Figaro daté du 26 septembre 2018 révèle que : Selon une étude, le taux de non-connexion au réseau s’élève à 27% pour les plus de 60 ans, et grimpe à 59% pour les plus de 85 ans. « L’exclusion numérique (...) met un nombre important de nos aînés encore plus en marge de la société et les isole davantage dans notre monde hyperconnecté ».

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et révèlent l’aspect générationnel de cette fracture numérique. L’exclusion numérique touche plus particulièrement les Séniors. Compte tenu du vieillissement constant de la population française, la situation risque de s’aggraver.

Qu’en est-il des populations rurales ?

Elles sont confrontées à un phénomène très courant appelé « zones blanches », c’est-à-dire des zones privées de réseau téléphonique mobile et d’accès internet.

Il y aurait en France au moins 551 communes situées en zones blanches, pour un total d’environ 500 000 personnes.

Il faudrait aussi signaler les « zones grises » où la connexion internet est extrêmement lente ou bien très irrégulière. Elles sont aussi appelées zones de bas débit. Pour les habitants de ces territoires ruraux, un simple appel mobile ou le moindre SMS tient du parcours du combattant, sans parler d’une connexion au réseau 4G. D’après une étude du CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), la connexion 4G reste accessible surtout en zone urbaine.

A ce propos, le magazine Le Point affichait ce titre pour le moins original : « A Pettoncourt, internet et les cloches de l’Eglise ne font pas bon ménage ». En fait, dans le village de Pettoncourt en Moselle, il suffit que les cloches de l’église sonnent pour que la connexion internet disparaisse ! Voilà un exemple typique de fracture numérique territoriale.

Les familles modestes

Pour clôturer cette liste non exhaustive des oubliés du numérique, nous ferons allusion aux familles modestes, souvent fragilisées sur le plan social. Assez généralement, elles subissent les revers de la précarité, de l’illettrisme, du décrochage scolaire chez les jeunes. Fait surprenant, les jeunes issus de milieux défavorisés bien qu’ils soient hyper-connectés, ne maîtrisent pas forcément l’usage de l’ordinateur. Ils utilisent internet surtout pour le divertissement.

Les experts taxent cela d’usage « passif » du numérique. En revanche, pour les classes sociales plus favorisées, l’outil internet est utilisé dans le cadre culturel ou socio-professionnel.

 

Utilisé à bon escient, le numérique contribue à maintenir le lien social. (Image : Chuck Underwood / Pixabay)
Utilisé à bon escient, le numérique contribue à maintenir le lien social. (Image : Chuck Underwood / Pixabay)
 

Le confinement a bel bien pointé du doigt, sinon aggravé, une fracture numérique déjà bien préoccupante.

De nombreuses réclamations dénonçant les difficultés de certains usagers face à la dématérialisation ont été adressées à Jacques Toubon, Défenseur des droits et libertés.

Suite à son rapport sur la dématérialisation des tâches administratives, il déclarait à la presse en janvier 2019 : « La dématérialisation offre de nouveaux moyens d’accès aux services publics et permet de simplifier l’accès aux informations et aux documents administratifs pour une majorité d’usagers, mais si les facultés de chacun ne sont pas réellement prises en compte, elle comporte un risque de recul de l’accès aux droits et d’exclusion pour de très nombreux usagers ».

Afin de garantir le libre accès de tous au service public, Jacques Toubon recommandait : « Aucune démarche administrative ne doit être accessible uniquement par voie dématérialisée ».

Il conseillait en outre de mettre en place un véritable accompagnement des personnes les plus fragiles, leur permettant ainsi d’aborder avec plus de sérénité le recours aux technologies numériques.

En effet, utilisé à bon escient, le numérique contribue à maintenir le lien social
 

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