Les dernières élections américaines ont attiré l’attention sur le dysfonctionnement du vote par correspondance et par Internet. Les fraudes électorales existent depuis longtemps. Quand elles sont révélées, elles mettent à mal la confiance des citoyens dans leur gouvernement.
Quelques fraudes électorales dans l’histoire
Aux États-Unis, les élections de 1876 ont porté au pouvoir le républicain Rutherford B. Hayes au détriment du démocrate Samuel J. Le livre de Keith Ian Polakoff, The Politics of Inertia: The Election of 1876 and the End of Reconstruction explique que la fraude était flagrante. Un compromis entre républicains et démocrates a laissé Rutherford B.Hayes au pouvoir. en contre partie, les démocrates refusaient l’abolition de l’esclavage et ont obtenu le retrait des troupes fédérales du sud, mettant fin à la reconstruction.
Lors des élections générales de 2004 aux Philippines, l’ex-présidente Gloria Macapagal-Arroyo a été accusée de fraude. L’affaire a été est révélée grâce à un enregistrement transmis par Samuel Ong, ancien directeur du Bureau National d'Investigation (NBI). Il y est question, entre autres, d’acheter des électeurs. Il a été difficile de prouver la fraude, car toutes les archives du bureau des élections et de la commission d'enquête sur les fraudes électorales sont parties en fumée lors d’un incendie en mars 2007.
Lors des élections russes de 2012 et 2018, une fraude électorale est dénoncée par l’ONG russe Golos, ainsi que par des observateurs étrangers. Il s’agit d’urnes contenant des bulletins de votes avant l’ouverture des bureaux de votes, ainsi que d'électeurs achetés qui font la tournée des bureaux de votes en car, et d’encre effaçable. Vladimir Poutine est élu et l’ONG Golos a fait l’objet de poursuites administratives.
Lors des élections de l'Assemblée constituante vénézuélienne en 2018, l'entreprise Smartmatic, qui était chargée des opérations de vote, a affirmé qu’il y avait malversation au niveau du nombre de bulletins. Son PDG, Antonio Mugicala, a estimé « la différence entre la participation réelle et celle annoncée par les autorités d'au moins un million de votes ».
En France, plusieurs grandes villes ont vu des fraudes électorales ternir les élections municipales. Ajout de bulletins de vote fictifs dans les urnes, procuration en blanc, subventions à de fausses associations. Il s’agit entre autres des affaires Claude Hoarau, candidat à la mairie de Saint-Louis à la Réunion en 2008 qui avait acheté des voix, ou de Jean Tiberi, accusé d'avoir inscrit des personnes n'habitant pas dans le 5e arrondissement, ou encore de Jean Barull, maire du Passage d'Agen depuis 1995, accusé de fausses procurations et de bulletins signés en blanc. Ces informations ont été relayées par le journal Le Point qui a présenté le livre Délits d'élus, publié aux éditions Max Milo.
À Genève, Suisse, deux auxiliaires travaillant au dépouillement des bulletins de vote ont alerté la Cour de comptes en 2019. Le différend portait sur le fait qu’un collègue se vantait de modifier les votes à sa guise. Selon ses avocats maître Thomas Barth et maître Romain Jordan, la Cour des comptes a estimé que leur intervention était justifiée, car il y avait bien des lacunes dans le fonctionnement du dépouillement, pouvant entraîner des malversations. Mais aucune fraude avérée n’a été vraiment relevée. Du côté du conseil d’état, il s’agissait d’un règlement de compte entre collègues et les deux femmes ont été licenciées pour avoir porté préjudice au service. Les avocats ont fait appel.
Fraude potentielle lors de votes par correspondance
Le vote par correspondance est potentiellement manipulable. Dans le FigaroVox, de 16/11/2020 on peut lire que : Jean-Pierre Camby, professeur associé à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et ancien haut fonctionnaire à l’Assemblée Nationale considère que « C’est un système qui permet totalement la fraude, car vous n’êtes sûr ni de l’émetteur, ni du récepteur ». Il est possible de récupérer le matériel de vote dans les boîtes aux lettres, ou auprès des électeurs les plus fragiles. Les opérations postales d’acheminement, le stockage des votes devraient être surveillés. De plus, le dépouillement pose également problème car il y a un taux élevé de votes nuls, sources de contestations et de contentieux électoraux.
Ces dysfonctionnements peuvent être corrigés, comme l’indique Andreas Glaser, professeur de droit à l’Université de Zurich, Suisse et co-directeur du Centre pour la démocratie d’Aarau, « il est clair qu’il faut instaurer de meilleures pratiques avec davantage de critères de sécurité. Par exemple, il faudrait que le principe du contrôle à quatre yeux s’applique à chaque fois que l’on touche à des bulletins de vote ».
Suite à des malversations et pour limiter la fraude, en France, depuis 1975, l’inscription d’office sur les listes est supprimée : le citoyen doit en faire la demande. Le vote par correspondance est également supprimé. Il est remplacé par un vote par procuration établie devant un magistrat.
Fraude potentielle lors de votes électroniques
Lors d’un vote électronique, il est actuellement impossible d’affirmer que les systèmes de dépouillement sont sans faille. Des hackers peuvent facilement entrer dans le code source* et modifier les données. C’est un vrai casse-tête que les informaticiens cherchent à résoudre depuis des années. En effet, lors d’une transaction bancaire, l’expéditeur et le receveur sont traçables. Il est facile de trouver l’erreur et de la corriger. Mais lors d’un vote, c’est impossible car le vote est anonyme.
En Suisse, le vote électronique a montré des failles dans les élections cantonales. Il a été abandonné en attendant qu’il soit plus sécurisé. La Poste suisse a acheté, en avril 2020, le code source du système de vote électronique utilisé lors des dernières votations américaines, à la société Scytl. Des informaticiens ont démontré les failles du système Scytl. La poste suisse a fait appel aux « hautes écoles » pour corriger ces défaillances et espère pouvoir utiliser le vote électronique rapidement.
Quant au software de comptage Smartmatic, Joe Kiniry, le principal chercheur de Galois, une firme de recherche technologique, affirme que les technologies utilisées laissent tant de portes ouvertes aux hackers que même les programmeurs Web modernes les évitent.
Vanessa Teague, experte en vote électronique à l'Université de Melbourne, s’est exprimée au Daily Dot. Dans l’article du 29 février 2020 on peut lire : « La confidentialité ou l'exactitude du vote pourrait faillir sans que cet échec ne soit apparent, même pour les personnes qui dirigent le système ». La machine à voter peut changer le bilan, soit à cause d'erreurs, soit à cause de falsification, et il n'y a vraiment aucun moyen de le détecter. La sagesse voudrait que l’on vérifie les accusations pour que la vérité, quelle qu’elle soit, éclate et que la confiance soit restaurée.
Des hackers peuvent facilement entrer dans le code source* et modifier les données. (Image : Markus Spiske / Pexels)
Plusieurs spécialistes ont expliqué au Daily Dot que les logiciels malveillants de falsification des votes peuvent prendre de nombreuses formes. Les virus, les malwares, les programmes de sécurité imparfaits sont des exemples. « Il suffit d’utiliser des guillemets doubles au lieu de guillemets simples pour permettre à un attaquant distant de changer tous les votes », a déclaré Alex Halderman de l’université du Michigan.
Au-delà de ce constat de fraude électorale, la réalité n’est-elle pas la menace que peut constituer ce dysfonctionnement pour les démocraties ? Si les citoyens perdent confiance dans leurs élus, que se passera-t-il ?
* Code source : le code source est un texte qui présente les instructions composant un programme sous une forme lisible, telles qu'elles ont été écrites dans un langage de programmation. Le code source se matérialise généralement sous la forme d'un ensemble de fichiers texte.Wikipédia
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.