Des origines de la Route de la Soie
Il y a des « hasards » qui peuvent changer la face du monde.C’est un peu ce qui est arrivé en Chine à l’Empereur Wu Di en 138 av. J-C. Considéré comme le plus grand empereur de la dynastie des Han, l’Empereur Wu a contribué à étendre et unifier l’Empire chinois, mais afin de le pérenniser, il fallait sécuriser les terres des attaques venant du Nord et de l’Ouest. Déjà, les cruels Xiongnu, dont certains deviendraient les Huns, sévissaient sur des régions du nord de l’Asie et lançaient de fréquentes incursions en territoire Han.
« L’empereur Wu Di (138 avant J-C) de la dynastie Han, a contribué à étendre et unifier l’Empire chinois ». (Image : Wikimedia / Domaine Public)
L’Empereur décida d’envoyer des émissaires afin de s’allier au peuple Yuezhi, vivant au niveau de l’actuelle frontière sino-khakaze. Seulement, pour atteindre cette région, il fallait d’abord passer en territoire Xiongnu. Zhang Qian, officier militaire intrépide, se porta volontaire pour prendre la tête d’une centaine d’hommes formant la délégation impériale Han.
Cependant, le voyage se révéla bien plus long et semé d’embûches : capturés par les Xiongnu dans les Monts Tian Shan, Zhang Qian et ses hommes furent mis en esclavage, mais le chef de la délégation ne perdit jamais de vue sa mission première, laquelle était de rencontrer le peuple Yuezhi pour s’en faire un allié militaire. Onze ans plus tard, il parvint enfin à s’évader et rejoignit le territoire Yuezhi. Seulement, le nouveau roi Yuezhi n’avait plus l’intention d’attaquer les Xiongnu.
Zhang Qian entama alors le chemin de retour vers la capitale Chang’An, passant une année à rencontrer les différents peuples de la région et à échanger avec eux. Il réalisa ainsi de nombreux documents sur leurs modes de vie et leurs cultures tout en introduisant des éléments de la culture chinoise. Mais il fut de nouveau capturé par les Xiongnu, qui furent impressionnés par la ténacité et le courage de ce diplomate chinois. Au bout d’un an, Zhang Qian parvint à s’évader et rentra en Chine après 13 années d’absence mais aussi de découvertes.
De retour en Chine, il convainquit l’Empereur Wu de développer des relations diplomatiques et commerciales avec ces peuples d’Asie centrale. Plus tard, Zhang Qian entama une deuxième mission diplomatique avec l’Etat Wusun contre les Xiongnu, elle aussi, vouée militairement à l’échec, mais productive quant aux relations commerciales et diplomatiques.
Les Chinois introduisirent de nouvelles espèces végétales telles que des épices, le noyer ou la luzerne et importèrent une nouvelle race de chevaux mythiques, coursiers de grande valeur auquels ils donnèrent le nom de « Coursiers Célestes ». En échange, ils firent connaître et apprécier grandement cette étoffe exceptionnelle qu’était la soie, devenue monnaie d’échange… C’est ainsi que naquirent les premières routes commerciales qui s’étendirent ensuite jusqu’au puissant Empire romain, et rebaptisées Routes de la Soie pendant plus de mille ans.
La soie au cœur d’échanges culturels et religieux
Tout comme pour la culture du thé, les origines de la soie se perdent dans les premières histoires de la Chine traditionnelle.
« L’impératrice Leizu et l’Empereur Jaune ». (Image : shenyunperformingarts.org)
Entre 2500 et 3000 av. J-C, l’impératrice Leizu, femme du légendaire Empereur Jaune Huangdi, considéré comme le fondateur de la première dynastie chinoise des Xia, aurait découvert le secret des cocons des vers à soie (Bombyx Mori).
Alors que l’impératrice, alors âgée de 14 ans, dégustait sa tasse de thé de midi à l’ombre d’un mûrier, un cocon tomba droit dans la tasse. Au contact de la chaleur de la tasse, le cocon se déroula, révélant un fil d’une grande douceur. Intriguée, l’impératrice commença à dérouler le cocon, libérant peu à peu un fil de près de 600 mètres de long ! Elle s’appliqua alors à le tisser, produisant une étoffe toute à la fois douce, souple mais résistante : la soie était née…
Leizu convainquit alors son époux de lui attribuer un verger de mûriers où elle domestiquerait des vers à soie. Elle serait aussi à l’origine du premier métier à tisser la soie. Dans les mille ans qui suivirent, la soie demeura un produit de grand luxe, essentiellement dédié à l’empereur, à sa famille et à ses proches. Elle constituait aussi un cadeau de choix aux dignitaires. Sa fabrication demeurait secrète et réservée seulement aux femmes.
Avec l’ouverture de l’empire chinois à l’occident, la soie fit l’objet de toutes les convoitises et était considérée comme une véritable monnaie d’échange. Exportation principale de la Chine, la soie était échangée contre des épices, des pierres et métaux précieux, des chevaux et des personnes : artistes, danseurs, acrobates…
Le commerce de la soie parviendra aux portes de l’Empire romain un peu avant notre ère, reliant le continent eurasien de bout en bout.
Débutant à Chang’an (actuelle Xi’an), capitale chinoise de l’époque, les itinéraires de la soie s’établiront en sens inverse selon les jalons posés par Alexandre le Grand ainsi que par l’empire perse dès le Vème siècle avant J-C. L’oasis de Dunhuang en constituera le principal poste de douane chinois et la limite occidentale de l’empire chinois.
De là, plusieurs routes s’élanceront vers l’ouest, descendant jusqu’au Gange, contournant le désert très aride du Taklamakan au sud ou les montagnes enneigées du Tian Shan dans le nord, traversant des villes devenues célèbres telles que Samarkand, Khotan, Kashgar, Damas…
Le rouleau de soie qui traverse le continent, passera entre plusieurs mains, les marchands n’effectuant qu’une étape et vendant ensuite leur précieuse marchandise à d’autres commerçants partant vers des contrées plus occidentales.
Ces marchands qui jalonnent les routes de la Soie ont souvent occupé d’autres fonctions, telles qu’informateurs sur les rites et cultures des nombreux peuples, mais aussi sur les techniques et les savoir-faire.
Les précieux cocons, si jalousement gardés par l’empire chinois, ont tout de même fini par être « exportés » : une princesse chinoise promise au roi du Khotan, dans l’actuelle province du Xinjiang, s’en alla avec des œufs dissimulés dans sa chevelure, introduisant alors la sériciculture dans la région.
La technique chinoise de fabrication de l’acier ou « fer de Margiane », « fer sérique » serait ainsi arrivée jusqu’aux Parthes. Un autre grand transfert de technologie, lors de la bataille de Talas en 751, opposant des Chinois à des Arabes, fut l’introduction de l’art de la fabrication du papier chez les musulmans, faisant ainsi de Samarkand, la capitale du livre... Le papier favorisa l’expansion des savoirs médicaux et des doctrines religieuses.
En effet, les religions y ont aussi trouvé une voie de propagation : le bouddhisme qui s’est développé de l’Inde vers la Chine, l’émergence de l’Islam et le christianisme qui a trouvé de nouveaux fidèles au Moyen-Orient. Marco Polo, au XIIIème siècle, décrit ainsi comment son père et son oncle furent mandatés par le Grand Khan, empereur des Tartares, afin de prier le pape de lui envoyer des missionnaires.
Marco Polo habillé en Tartare (peinture du XVIIIème siècle Hermanus van Grevenbroeck au Museo Correr de Venise). (Image : wikimedia / Domaine public)
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