Au cours de l’année écoulée, l’ambition de Huawei de dominer le marché mondial de la 5G a subi des dommages considérables. Des pays comme les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont interdit l’utilisation des équipements de la société. En Europe comme au Japon, la méfiance est également de plus en plus grande. La technologie 5G est plus que stratégique : elle est considérée comme la «course aux armements» la plus récente, celui qui domine ce marché aura un avantage stratégique et commercial indéniable.
Comme l’explique un article paru en 2014 dans un magazine chinois décrivant la vie de Ren Zhengfei, le PDG de Huawei voulait que son entreprise conquière d’abord les marchés les moins développés, puis utilise l’expérience accumulée pour pénétrer les marchés les plus développés et les plus compétitifs.
L’article explique que Huawei a fait sa première incursion en 1997 sur le marché étranger – celui de la Russie. Le développement technologique de la Russie était bien loin derrière celui de la plupart des pays européens et des États-Unis, et cet ancien pays communiste avait maintenu de bonnes relations avec la Chine.
Après la Russie, Huawei a ciblé les pays africains, les pays d’Europe de l’Est, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud-Est et les pays d’Amérique latine. L’objectif ultime de la société était de gagner les marchés de l’Europe occidentale et des États-Unis. C'est là que les ennuis ont commencé.
Éviter les équipements Huawei
Vodafone, l’une des plus grandes entreprises de télécommunications en Europe, a mis fin à l’utilisation des équipements Huawei dans ses réseaux les plus sensibles en raison de problèmes de sécurité non résolus.
«Je pense qu'il y a beaucoup de commentaires dans les médias, de la part des politiciens et de divers organismes et je ne pense pas que tout le monde soit suffisamment clair et se base sur des faits… Nous profitons de cette occasion pour faire une pause dans notre association avec Huawei, uniquement en Europe, alors que nous collaborons avec les agences de sécurité, le gouvernement et Huawei», a déclaré Nick Read, directeur général de Vodafone, dans un communiqué (The Guardian).
Il a ajouté qu'il serait facile pour Vodafone de remplacer les équipements Huawei utilisés dans son réseau central si nécessaire. Cependant, si des remplacements devaient être effectués pour l'ensemble du réseau d'accès radio, l'impact économique d'une telle décision serait énorme. Une telle initiative retarderait la mise en œuvre des technologies 5G dans certains pays.
Vodafone est le troisième fournisseur de services de télécommunication en Europe. Huawei représente près de 40% du marché des équipements de télécommunication dans la région. Si Vodafone se débarrassait de Huawei en tant que fournisseur d’équipements en Europe, cette décision pourrait s’avérer judicieuse à long terme. Cela porterait un coup dur aux revenus globaux de Huawei et à son prestige sur le marché international.
Malgré l'annonce, Huawei semble prendre la décision de Vodafone avec prudence, sans reprocher à la société de croire aux «rumeurs».
Ailleurs en Europe
En Pologne, Huawei a licencié le 12 janvier Wang Weijing. Ce dernier a été arrêté en même temps qu'un ex-membre des services de sécurité polonais. Le ministre polonais de l'Intérieur, Joachim Brudzinski a appelé l'Union européenne à travailler à l'adoption d'une position commune sur l'exclusion éventuelle de Huawei de leurs marchés.
La Norvège, où Huawei est très présente, réfléchit à des mesures visant à «réduire (sa) vulnérabilité», selon le ministère des Transports et des Communications, cité par la presse locale. Le gouvernement britannique continue, lui, d'exprimer sa « vive inquiétude » sur le sujet, alors que l'opérateur historique BT a décidé de couper les ponts avec l'équipementier chinois.
Citée par La Tribune, l'agence tchèque de cybersécurité relève pour sa part que « les lois chinoises imposent aux sociétés privées ayant leur siège en Chine de coopérer avec les services de renseignement. Par conséquent, les introduire dans des systèmes clés d'un État pourrait constituer une menace ».
L’Allemagne envisage d’imposer des exigences de sécurité plus strictes afin d’exclure Huawei du développement de la nouvelle génération du réseau mobile 5G dans le pays, tandis que la société Orange a annoncé qu’elle n’engagerait pas Huawei pour le même réseau en France.
Et le gouvernement français ?
Cité par Le Journal du dimanche, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, affirmait, le 24 janvier, devant la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat : «Nous sommes tout à fait conscients des risques résultant de la place de Huawei dans les réseaux centraux et des risques que peut entraîner le fait qu'il intervienne largement sur la 5G. Le gouvernement prendra les dispositions nécessaires quand il le faudra.»
Pourtant, début décembre, Bruno Le Maire n'était apparement pas sur la même longueur d'onde: «[Huawei est] une entreprise qui a une place importante en France, [...] et dont les investissements sont les bienvenus», a déclaré le ministre de l'Économie.
Huawei a investi dans le domaine artistique et culturel français. Selon la radio Europe 1, le 9 juillet 2018, l’Opéra de Paris a annoncé que Huawei investirait 900 000 euros sur trois ans dans la création d’une « académie numérique » mondiale des compagnies des arts du spectacle, comprenant des cours en ligne, des archives vidéo, etc.
Les médias d’État chinois ont également loué ce partenariat, soulignant qu’il est soutenu par le ministère de la Culture de la Chine.
Aujourd’hui, Huawei dispose de 18 centres de recherche et développement en Europe, dirigés par l’Institut européen de recherche Huawei basé en Belgique. La société a des partenariats académiques avec plus de 100 universités en Europe et, selon son propre site, elle y a investi 75 millions d’euros. Toutefois, ces partenariats ont récemment été remis en question dans le cadre d’attention croissante envers le géant chinois de la technologie.
Au total, Huawei a signé plus de 210 accords de coopération avec des entreprises européennes.
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